CYCLE "QUE PEUT (ET QUE VEUT) ENCORE L'ÉDUCATION AUX MÉDIAS?"

Dans le cadre du projet L’éducation aux médias aujourd’hui : pour une nouvelle généalogie critique (GENEAM), une petite équipe de recherche s’est constituée, au croisement des études médiatiques, de l’analyse rhétorique du discours et de la didactique de la communication. De janvier à juin 2022, cette équipe a organisé un cycle de rencontres visant à pluraliser les points de vue sur les enjeux et les limites de l’éducation aux médias.

Ce cycle de conférences avait pour ambition d’interroger les fondements et les présupposés de la discipline, en défendant l’idée que l’horizon de « l’émancipation », souvent présenté comme la justification profonde de l’éducation aux médias, mérite d’être repensé à nouveaux frais. La qualité émancipatoire d’un savoir, plutôt qu’une vertu décrétée à priori et de manière absolue, est sans cesse rejouée, et donc inquiétée, dans les situations concrètes où ce savoir se construit et s’expose. Or, l’éducation aux médias prend aujourd’hui volontiers l’allure d’un apprentissage normé des « bons usages » des médias. Nous faisons l’hypothèse que si l’éducation aux médias se veut une discipline critique, alors elle doit envisager son propre objet (« l’émancipation ») non comme une vertu dont elle aurait la clé, mais comme une variété de situations dites critiques parce que l’obligeant à remettre sans cesse en jeu la définition de l’émancipation.

Ce questionnement général sur les perspectives possibles d’une nouvelle éducation aux médias se décline en différents volets, qui visent à reconnecter la discipline aux dimensions idéologiques, historiques et rhétoriques, constitutives de notre rapport aux médias. Il s’agit ainsi de problématiser les partages souvent trop simples qui soutiennent l’approche émancipatoire classique face aux « dangers » des médias (objectivité vs subjectivité, vérité vs fausseté, transparence vs opacité, etc.), de même que les valeurs dont est chargé cet horizon émancipatoire (« citoyenneté », « compétences », « participation », etc.).

Chaque rencontre a pris la forme d’un duo, uni par une parenté disciplinaire, où chaque intervenant·e était invité·e à explorer la manière dont son travail pouvait nourrir cette manière de repenser l’éducation aux médias. En guise de clôture du cycle, une table-ronde a rassemblé des acteurs et actrices de terrain, qui pratiquent l’éducation aux médias dans les écoles et dans le secteur associatif.

Programme complet du cycle

  • Mardi 18 janvier 2022
    Claiming Transparency: Scenographies of Critique on Social Media and Video Games Platforms
    Jan Teurlings (U. Amsterdam) // Pierre-Yves Hurel (U. Liège)
  • Jeudi 24 février 2022
    Poétique et rhétorique : formats et usages pour l’éducation aux médias
    Marie-Ève Thérenty (U. Montpellier) // Emmanuelle Danblon (U. Bruxelles)
  • Mardi 22 mars 2022
    Favoriser la réflexivité en Éducation aux Médias et à l’Information : Regards croisés en Sciences de l’Information et de la Communication
    Nolwenn Tréhondart (U. Lorraine) // Anne Cordier (U. Lorraine)
  • Mardi 26 avril 2022
    Dire le monde ouvrier et ne pas l’entendre : histoires médiatiques
    Claire Blandin (U. Paris-13) // Éric Geerkens (U. Liège)
  • Jeudi 19 mai 2022
    Table-ronde avec les acteur·trices de terrain.
    Avec Sophie Garcia (professeure d’histoire au Collège Saint-Louis à Liège), Thomas Stévenart (chargé de projet et animateur pour l’asbl Infor Jeunes Luxembourg), Martin Culot (coordinateur du pôle de formation continuée pour l’asbl Média Animation, collaborateur du CSEM), Daniel D’Ambrosio (professeur de communication pour la formation des éducateurs en promotion sociale) et Aurélien Ghystelinck (animateur au Centre d’Action Laïque de Namur).

« Transparence » et « bidouillage » : comment entrer à l’intérieur d’un média ? Le cas des réseaux sociaux et des jeux vidéo

Cette séance pose la question de l’éventuelle portée critique d’une réflexivité de l’usager sur les médias numériques. Depuis les années 1970 (et notamment l’émergence de la vidéo amateur), le rapport émancipatoire aux médias s’est fondé en effet sur la croyance selon laquelle une « prise en main » de l’intérieur, par les usagers eux-mêmes, favoriserait leur compréhension des dispositifs médiatiques, les affranchirait des normes dictées par les usages « professionnels » et « industriels » de ces dispositifs, et répondrait à leur insatisfaction à l’égard des productions auxquelles correspondent ces usages « professionnels » et « industriels ». Chacun à sa manière, les deux intervenants nous invitent à déstabiliser cette croyance, en montrant que la vertu critique attendue d’une pratique réflexive des médias n’est peut-être pas si évidente, ou en tout cas n’est pas forcément là où on l’attendrait. Cette problématique générale est déclinée sur deux objets différents, qui mettent chacun en lumière deux modalités de la réflexivité : Jan Teurlings évoque les politiques dites de « transparence » adoptées par les réseaux sociaux numériques ; Pierre-Yves Hurel envisage quant à lui les communautés de créateurs de jeux vidéo amateurs, à travers leur imaginaire et leurs pratiques de « bidouillage ».

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Favoriser la réflexivité en Éducation aux Médias et à l’Information : Regards croisés en Sciences de l’Information et de la Communication

Cette troisième séance du séminaire Dé_montages 2021-2022 donne la parole, d’une part, à Nolwenn Tréhondart, Maître de conférence à l’Université de Lorraine (équipe Praximédias) et, d’autre part, à Anne Cordier, Professeure au sein de cette même université (équipe Pixel). Depuis leur terrain respectif — la formation des enseignants et les recherches en sémiotique sociale pour la première, les enquêtes sur les pratiques informationnelles des adolescents pour la seconde —, les intervenantes donnent à voir la nécessité d’intégrer une approche réflexive aux activités en éducation aux médias et à l’information.

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Comment faire parler les silences médiatiques ?

Cette séance accorde une place à l’histoire des médias, comme perspective susceptible de nourrir le projet d’une éducation critique aux médias. Les deux intervenant·es sont en effet historien·ne contemporanéistes, habitué·es à considérer le poids des représentations médiatiques dans la construction des séquences historiques. Les médias (presse généraliste, presse spécialisée, médias audiovisuels) constituent dès lors à la fois des sources et des objets d’histoire, comme le montrent leurs différents travaux.

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