Ceci n’est pas un site qui propose une boîte à outils pour le décryptage expert des médias.
Ceci n’est pas un site qui critique le fonctionnement des médias.
Ceci n’est pas un site de fact-checking.
Et pourtant, ceci est bien un site qui s’intéresse à l’éducation aux médias, et en particulier à la question du « faux ».
S’intéresse à l’éducation aux médias ?
Ce site interroge les fondements et les présupposés de cette discipline, en défendant l’idée que l’horizon de « l’émancipation », souvent présenté comme la justification profonde de l’éducation aux médias, mérite d’être repensé à nouveaux frais. La qualité émancipatoire d’un savoir, plutôt qu’une vertu décrétée à priori et de manière absolue, est sans cesse rejouée, et donc inquiétée, dans les situations concrètes où ce savoir se construit et s’expose. Or, l’éducation aux médias prend aujourd’hui volontiers l’allure d’un apprentissage normé des « bons usages » des médias. Nous faisons l’hypothèse que si l’éducation aux médias se veut une discipline critique, alors elle doit envisager son propre objet (« l’émancipation ») non comme une vertu dont elle aurait la clé, mais comme une variété de situations dites critiques parce que l’obligeant à remettre sans cesse en jeu la définition de l’émancipation.
En particulier à la question du « faux » ?
Au même titre que la distinction binaire entre « bons » et « mauvais » usages des médias, ou entre « vertu » de « l’activité critique » et « vice » d’une réception purement « passive » et « aliénante » des médias, le partage entre « vérité » et « fausseté » d’un discours médiatique est aujourd’hui le socle inébranlable du projet émancipateur de l’éducation aux médias (le spectateur « éduqué » aux médias serait celui qui se serait libéré des fausses informations, des biais cognitifs et, mieux encore, qui « participerait » à la bonne santé du corps médiatique global en devenant lui-même un « agent critique » au service du « vrai »).
Or, cette conception ne résiste pas à l’épreuve de nos usages médiatiques au quotidien, tant du point de vue de la production que du point de vue de la réception : la double association entre « discours vrai » et donc « légitime » d’un côté, et « discours faux » et donc « illégitime » de l’autre, est-elle si évidente à reconnaitre dans les formes mêmes des productions médiatiques (par exemple, la scénographie d’un reportage d’investigation sur une grande chaîne publique diffère-t-elle vraiment de certains codes visuels de documentaires reconnus comme « complotistes ») ? d’ailleurs, la reconnaissance d’un discours comme « faux » suffit-elle à le discréditer, ou à le priver de son efficace ? et la posture de réception est-elle toujours passivement dépendante de la « validité » reconnue des contenus, ou peut-elle engager aussi pour sa part une production critique du sens médiatique ?
Pour nourrir concrètement ce double questionnement, le site se présente sous la forme de « dé_montages ».
Le montage désigne ici une opération très concrète de juxtaposition d’images et de textes, à priori hétérogènes, qui produit des effets de mise en étrangeté réciproque. Le préfixe « dé- » ne doit donc pas surdéterminer le sens global du mot composé : tout dé-montage suppose à nos yeux un re-montage, de sorte que la métaphore qui sous-tend globalement le projet de ce site est celle du « jeu de construction » – chère à Hans Magnus Enzensberger, l’un des théoriciens des médias qui a inspiré notre projet.
Quelles sont les pièces de ce jeu de construction ?
nos propres publications scientifiques en lien avec la thématique de ce site.
des contributions externes, anciennes ou récentes, offrant une documentation de nature scientifique ou institutionnelle, à portée théorique et/ou programmatique.
les regards que nous portons sur l’état de la discipline (parutions, outils, initiatives, etc.).
des interventions au ton plus libre, permettant de réagir à des faits d’actualité sous la forme de billets d’humeur ou de notations subjectives.
des productions sonores ou audiovisuelles : de la captation de conférences à la réalisation de montages explorant de nouveaux formats de recherche critique sur les médias.
Ces différents matériaux sont mis à la disposition de celles et ceux qui souhaiteront s’en emparer : enseignants-chercheurs, mais plus globalement tous les publics en quête d’outils réflexifs pour saisir les productions médiatiques qui habitent notre quotidien.
Entre ces différents matériaux et publics, le site offre la possibilité de montages variés : par un jeu d’associations suggérées, des ressources de natures à priori hétérogènes, ou d’époques différentes, sont mises côte à côte, invitant ainsi à des gestes d’appropriation ouverts et multiples.