Projet RESUME — REssources et SUpports pour l’éducation aux MEdias (Fédération Wallonie-Bruxelles)
Exposé du projet de recherche soumis en septembre 2024 pour financement à l’instrument CDR CSRV-SH-2024 de l’ULiège

Abstract: Le présent projet fait l’hypothèse que les ressources et supports de formation pour l’éducation aux médias constituent un terrain d’observation privilégié des tensions, intérêts, représentations et pratiques associées à la discipline. En tant que productions médiatiques, ils sont façonnés par les industries éducatives ; en tant que documents, ils prescrivent des pratiques professionnelles et édictent des normes ; en tant que discours, ils manifestent le point de vue des acteurs perçus comme légitimes pour définir, structurer et pratiquer l’éducation aux médias dans un contexte donné. Nous entendons mettre en évidence la manière dont les ressources et supports font sens dans un environnement spécifique, marqué par (i) une reconsidération des missions, acteurs et moyens pour l’éducation aux médias en Fédération Wallonie-Bruxelles, suite à l’adoption d’un nouveau Plan (2022) et des réformes menées dans le sillage du Pacte d’Excellence ; (ii) des difficultés d’ajustement des curricula scolaires à l’actualité sociale, dont témoigne la multiplication d’“éducations à…” transversales qui s’y trouvent étroitement connectées. L’étude prendra pour objet d’analyse un corpus de ressources extraites du portail institutionnel e-classe (Fédération Wallonie-Bruxelles, enseignement belge francophone).

1. Objectifs

Le présent projet fait l’hypothèse que les ressources et supports de formation pour l’éducation aux médias (désormais EAM) constituent un terrain d’observation privilégié des tensions, intérêts, représentations et pratiques associées à la discipline. En tant qu’éducation à… caractérisée par sa transversalité et sa connexion étroite à l’actualité des pratiques sociales (Audigier 2012), l’EAM semble difficilement s’accommoder d’une formalisation en manuel[1]. Les ressources mises à la disposition de la communauté éducative se signalent ainsi par leur dimension modulaire et hétérogène, tributaire, pour partie, d’une industrialisation[2] croissante de la formation à l’heure de sa plateformisation (Bullich 2018). Nous entendons étudier les ressources pour l’EAM dans l’enseignement belge francophone avec une double perspective :  

  • Critique, par l’analyse des ressources et supports comme discours, productions médiatiques et espaces de mise en texte des savoirs (Reuter et al. 2013, 221), qui entérinent le point de vue des acteurs perçus comme légitimes pour définir, structurer et pratiquer l’EAM en Fédération Wallonie-Bruxelles (désormais, FW-B) ;
  • Heuristique, en ce que la recherche menée contribuera à l’intelligibilité des pratiques d’enseignement et de formation dans le domaine de l’EAM. En cela, elle se rattache à l’un des paradigmes de la recherche en didactique (Astolfi 1993) tout comme en EAM (Fastrez et Landry 2023, 221), et permettra des réinvestissements en formation professionnelle initiale ou continue d’enseignants et de formateurs[3].

2. État de la question

Les ressources et supports éducatifs[4] constituent une pierre angulaire des activités d’enseignement ou de formation : ils servent ainsi à la conception des séquences d’apprentissage et à la formation continue des professionnels (Reverdy 2014; Fenoglio 2024). Textes institutionnels, programmes, manuels, plans de leçons, logiciels, podcasts, brochures d’information ou vidéos didactiques cristallisent les enjeux auxquels répond l’action éducative et manifestent les préoccupations des différentes parties prenantes. On y trouve exprimées les visées allouées à une discipline scolaire ou une éducation à… dans un contexte donné, les savoirs et autorités jugés légitimes pour y parvenir, ainsi que l’anticipation d’une mise en œuvre pratique, au regard d’un public spécifique. À cet égard, l’EAM se forge au croisement des perspectives de l’institution, de la recherche et du terrain (Delamotte 2022) ; les ressources produites y font à la fois état de pratiques sociales ordinaires et de prescriptions scolaires, de savoirs pratiques, professionnels et scientifiques. Elles requièrent l’usage d’outils médiatiques évoluant au gré des avancées technologiques, et s’adressent à un public diversifié.

Forme canonique du support de formation, le manuel, peu usité en EAM, s’est vu constitué en objet de recherche à part entière : les travaux d’Alain Choppin l’ont étudié comme artefact culturel, « condensé de la société qui le produit » (Choppin 1992, 18), quand d’autres ont souligné sa fonction d’« espace de représentation disciplinaire » (Denizot, 2016), assurant des fonctions d’exposition du savoir à enseigner (Reuter et al. 2013, 108) et rendant compte de sa programmation didactique (ibid., 152). Façonné par les industries éducatives (Mœglin 2010), le manuel voit ses caractéristiques matérielles et sa place dans l’écosystème de la formation se modifier sous l’effet de leurs reconfigurations, entraînant le basculement progressif du paradigme qui lui accordait une position centrale (ibid.). En effet, la formation s’instrumente par les possibilités d’apprentissage à distance, la diversification des outils et médias éducatifs, et la numérisation croissante des ressources ; de ces mutations, la recherche se fait aussi l’écho (Mœglin [2005] 2013; Rodríguez Rodríguez, Braga Garcia, et Bruillard 2019).

La dimension industrielle des ressources et supports produits pour la formation, couplée à une prédilection pour la saisie communicationnelle des savoirs ont, de longue date, amené les sciences de l’information et de la communication (désormais, SIC) à s’emparer de ces objets. Outre les travaux de Mœglin sur les industries et médias éducatifs, déjà cités, il faut mentionner l’apport décisif de Jacquinot (Jacquinot [1977] 2012; Jacquinot-Delaunay 2004) dans la prise en compte de leur dimension médiatique. Ainsi, l’image pédagogique, fixe ou animée, sera non seulement envisagée comme le véhicule d’un contenu de formation, mais également comme un texte porteur de représentations ; vecteur, mais aussi producteur de sens (ibid.). D’autres branches des SIC étudient la ressource ou le support de formation en tant que document, mis en circulation dans les dispositifs info-communicationnels (Couzinet 2011) et requérant l’exercice de littératies spécifiques (Cordier 2018). C’est donc assez naturellement que se sont déployées dans ce périmètre disciplinaire des recherches sur les ressources à destination de l’EAM, celle-ci étant située au croisement des SIC et des sciences de l’éducation (Landry et Basque 2015; Delamotte 2022). L’attention s’est portée dans ce cadre sur les textes institutionnels structurant l’EAM (Loicq 2017), les ressources pour l’EAM fournies par les institutions européennes (Seurrat 2010) ou françaises, comme le Centre pour l’Éducation aux Médias et à l’Information (CLEMI) (Bosler 2023), voire encore les plateformes visant au développement des compétences en EAM, à l’instar de Pix (Carton et Tréhondart 2020). Au demeurant, à notre connaissance, le terrain des ressources et supports pour l’EAM reste encore peu exploré dans une perspective analytique en Belgique francophone, si l’on excepte les travaux d’Henry, Collard et Hernalsteen sur le design de ressources pour l’éducation au numérique ciblant également les compétences en EAM (Henry, Hernalesteen, et Collard 2020).

3. Projet

Notre projet portera sur l’analyse des ressources et des supports de formation pour l’EAM destinés à la communauté éducative de l’enseignement belge francophone. Nous entendons montrer en quoi les discours, la mise en texte des savoirs à enseigner et leur formalisation matérielle anticipant une circulation sociale prennent sens dans un contexte spécifique associant (i) une reconsidération des missions de l’EAM en FW-B ; ainsi que (ii) les difficultés d’ajustement des curricula scolaires à l’actualité sociale, dont témoigne la multiplication des éducations à…. De ce point de vue, l’absence de manuel de référence[5], la modularisation et l’hétérogénéité des ressources pour l’EAM ne sont pas uniquement fonction de la transformation des industries éducatives et de la pluralisation des producteurs : elles répondent également, sur le pôle des usages, à la nécessité d’une actualisation et d’une adaptation rapide, qu’autorise leur éditorialisation au sein de portails agrégatifs.

La FW-B s’est dotée en 2022 d’un plan stratégique (Fédération Wallonie-Bruxelles 2022) visant à coordonner les actions des différentes parties prenantes de l’EAM, que sont (i) les « partenaires de l’information » (journalistes et organe de presse) ; (ii) les acteurs du secteur associatif, et (iii) la communauté éducative, dans la perspective du Pacte pour un enseignement d’Excellence et de la refonte des programmes qui l’accompagne. Si le Conseil supérieur de l’Éducation aux Médias[6] certifie trois centres de ressources à la disposition des enseignants et formateurs, nous souhaitons prioritairement nous intéresser aux ressources fournies à la communauté éducative par l’institution scolaire elle-même, quand bien même elle intègrerait celles produites par les autres acteurs (CSEM, journalistes, etc.). On se gardera néanmoins d’en faire une exclusive, dès lors qu’une éducation à…,transversale et connectée à l’actualité sociale, fait sens dans un projet de société global, au niveau national mais aussi international (qu’expriment les directives européennes ou celles de l’UNESCO). On s’attachera à répondre, par l’analyse des ressources, aux questions suivantes : Quelles sont les représentations associées à l’EAM dans l’enseignement belge francophone, et en quoi témoignent-elles d’un champ en reconfiguration, d’autorités en tension ? Quelles places y occupent les savoirs issus de la recherche, les savoirs professionnels ou les savoirs ordinaires ? Quels sont les objets et pratiques médiatiques envisagés, pour quels objectifs d’apprentissage ? En quoi la ressource comme document anticipe-t-elle une appropriation par la communauté professionnelle des enseignants ? Dans le sillage des recherches menées par le collectif Dé_montages (J. Hamers, F. Provenzano, E. Schürgers et I. Mayeur), nous questionnerons encore la place du faux au sein de ces ressources, entre approche prophylactique de l’EAM dénonçant les fake news et recours au récit de fiction en appelant à l’expérience spectatorielle de l’apprenant.

4. Méthode

Nous travaillerons à partir d’un corpus accessible via le portail institutionnel e-classe[7], lancé en 2019 par le Service Général du Numérique Éducatif (FW-B). Dans un premier temps, nous étudierons e-classe comme dispositif d’éditorialisation des ressources en EAM et espace de mise en forme des autorités informationnelles (Broudoux 2022), en questionnant son énonciation éditoriale, les discours d’escorte prescrivant les pratiques (Souchier et al. 2019), les textualisations de l’activité professionnelle enseignante, les genres et formats privilégiés pour la circulation et l’usage des ressources. Ensuite, les ressources seront elles-mêmes étudiées qualitativement (par étude de cas (Petit 2018) et de sous-corpus) suivant une double perspective : (i) comme documents et produits médiatiques, porteurs d’une vision du monde, d’un positionnement vis-à-vis d’enjeux sociaux, organisant les gestes et sociabilités professionnels (Cordier 2019) ; (ii) comme discours, l’EAM étant envisagée comme projet épistémique interdisciplinaire où s’observent des pratiques discursives spécifiques  destinées à la constituer en objet susceptible d’être transmis/enseigné, et à la légitimer sur la scène du savoir (Badir 2022). Nous mobiliserons donc une méthodologie articulant les apports conceptuels des SIC et de l’analyse du discours, visant à rendre compte de la circulation sociale des savoirs à travers les médiations matérielles conditionnant leur communication (Jeanneret 2014).

Les résultats de la recherche feront l’objet de communications dans des colloques internationaux, ainsi que de publications peer review, en revues ou ouvrages scientifiques. Plusieurs billets editorial review seront publiés sur le site de Dé_montages[8]. Nous mettrons encore à profit les acquis de la recherche pour affiner les contenus de formations professionnelles continues[9].

Organisation du travail (par modules de tâches)

  • Module 1 — e-classe comme dispositif d’éditorialisation : (i) l’éditorialisation des ressources pour l’EAM sur le portail institutionnel ; (ii) le tableau de bord comme outil de prescription des pratiques documentaires enseignantes ;
  • Module 2 — ressources du dossier Fake News (201 ressources ; en collaboration avec Élise Schürgers): Étude critique des usages du faux en EAM et de ses circulations discursives dans les ressources éducatives et leurs discours d’escorte ;
  • Module 3 — ressources pour l’EAM numérique : Étude des savoirs et pratiques sociales de référence mobilisés, relations transversales avec d’autres didactiques ;
  • Module 4 — ressources croisant l’éducation culturelle et artistiques avec l’EAM :  Étude des convergences établies entre EAM et ECA[10], modalités de l’intégration des éducations à… aux curricula scolaires.

5. Bibliographie

  • Astolfi, Jean-Pierre. 1993. « Trois paradigmes pour les recherches en didactique ». Revue française de pédagogie 103 (1): 5‑18. https://doi.org/10.3406/rfp.1993.1293.
  • Audigier, François. 2012. « Les Éducation à… Quelles significations et enjeux théoriques et pratiques ? Esquisse d’une analyse ». Recherches en didactiques 13 (1): 25‑38. https://doi.org/10.3917/rdid.013.0025.
  • Badir, Sémir. 2022. Les pratiques discursives du savoir. Le cas sémiotique. Lambert-Lucas. Limoges.
  • Bosler, Sabine. 2023. « Les ressources en éducation aux médias et à l’information à destination des enseignants du CLEMI : quelle(s) médiation(s) des savoirs ? » Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of Knowledge, no 41 (mars). https://doi.org/10.4000/dms.8856.
  • Broudoux, Evelyne. 2022. Editorialisation et autorité: Dispositifs info-communicationnels numériques. De Boeck Supérieur.
  • Bullich, Vincent. 2018. « La « plateformisation » de la formation ». Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of Knowledge 2018 (21). https://doi.org/10.4000/dms.2096.
  • Carton, Tiphaine, et Nolwenn Tréhondart. 2020. « La plateformisation de l’éducation aux médias et à la citoyenneté ». Spirale – Revue de recherches en education N° 66 (3): 77‑94.
  • Choppin, Alain. 1992. Les manuels scolaires : histoire et actualité. Paris: Hachette Éducation.
  • Cordier, Anne. 2018. « On ne naît pas étudiant·e, on le devient ». Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 15 (décembre). https://doi.org/10.4000/rfsic.5130.
  • ———. 2019. « Quand le document fait société ». Communication & Langages 199 (1): 21‑35.
  • Couzinet, Viviane. 2011. Dispositifs info-communicationnels. Questions de médiations documentaires. Paris: Hermès.
  • Delamotte, Éric, éd. 2022. Recherches francophones sur les éducations aux médias, à l’information et au numérique : Points de vue et dialogues. Papiers. Villeurbanne: Presses de l’enssib. http://books.openedition.org/pressesenssib/17040.
  • Fastrez, Pierre, et Normand Landry. 2023. Media Literacy and Media Education Research Methods A Handbook. Routledge.
  • Fédération Wallonie-Bruxelles. 2022. « Plan Éducation aux médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 62 actions pour développer l’esprit critique et l’interactivité avec les médias ». https://www.csem.be/sites/default/files/2022-01/Plan%20EAM_mis%20en%20page_FGL_FCO.pdf.
  • Fenoglio, Prisca. 2024. « Des outils didactiques pour enseigner et apprendre ». Edubref, no 18 (mars). https://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/EB-Veille/Edubref-mars-2024.pdf.
  • Henry, Julie, Alyson Hernalesteen, et Anne-Sophie Collard. 2020. « Designing Digital Literacy Activities: IEEE Frontiers in Education Conference – FIE2020 ». 2020 IEEE Frontiers in Education Conference, FIE 2020 – Proceedings, 2020 IEEE Frontiers in Education Conference (FIE), , octobre. https://doi.org/10.1109/fie44824.2020.9274165.
  • Jacquinot, Geneviève. (1977) 2012. Image et pédagogie. Édition revue et Augmentée. Paris: Archives Contemporaines Editions.
  • Jacquinot-Delaunay, Geneviève. 2004. « Sic et Sed sont dans un bateau … » Hermès, La Revue 38 (1): 198‑198. https://doi.org/10.4267/2042/9449.
  • Jeanneret, Yves. 2014. Critique de la trivialité: Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir. Paris: Editions Non Standard.
  • Landry, Normand, et Joëlle Basque. 2015. « L’éducation aux médias : contributions, pratiques et perspectives de recherche en sciences de la communication ». Communiquer. Revue de communication sociale et publique, no 15 (septembre), 47‑63. https://doi.org/10.4000/communiquer.1664.
  • Loicq, Marlène. 2017. « Une approche comparative des discours institutionnels en éducation aux médias : une analyse socio-anthropologique ». Argumentation et Analyse du Discours, no 19 (octobre). https://doi.org/10.4000/aad.2420.
  • Mœglin, Pierre. 2010. Les industries éducatives. 1e édition. Que sais-je? 3887. Paris: Presses universitaires de France. https://www-cairn-info.kbr.idm.oclc.org/les-industries-educatives–9782130582199.htm.
  • ———. (2005) 2013. Outils et médias éducatifs: Une approche communicationnelle. Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble.
  • Petit, Laurent. 2018. « Revisiter l’approche par cas en sciences de l’information et de la communication ». Les Cahiers du numérique 14 (2): 139‑54.
  • Reuter, Yves, Cora Cohen-Azria, Bertrand Daunay, et Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-Reuter. 2013. Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques. De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.reute.2013.01.
  • Reverdy, Catherine. 2014. « Du programme vers la classe: des ressources pour enseigner ». Dossier de veille de l’IFÉ, no 96. http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/96-novembre-2014.pdf.
  • Rodríguez Rodríguez, Jesús, Tânia Braga Garcia, et Eric Bruillard, éd. 2019. IARTEM 1991-2016. 25 years developing textbook and Educational Media Research. Santiago de Compostela: IARTEM. https://iartemblog.files.wordpress.com/2019/09/iartem_25_years.pdf.
  • Seurrat, Aude. 2010. « Les médias en kits pour promouvoir “la diversité” ». Les Enjeux de l’information et de la communication 2010 (1): 160‑69. https://doi.org/10.3917/enic.010.0900.
  • Souchier, Emmanuël, Gustavo Gomez-Mejia, Valérie Jeanne-Perrier, et Étienne Candel, éd. 2019. Le numérique comme écriture. Théories et méthode d’analyse. Paris: Armand Colin.

Annexe 1 : Synopsis de la thèse d’Elise Schürgers

Université de Liège – FNRS (FRESH) Directeur de thèse : François Provenzano

L’ambition principale de la thèse est d’éclairer ce qui se lit dans les formes discursives, en circulation dans la presse francophone contemporaine, qui traitent de la question des « fake news ».

La locution « fake news » a, depuis la fin de l’année 2016, investi l’espace public en touchant à une variété de faits sociaux, devenant par là un sujet polémique lourd d’enjeux. Interrogeant le rapport à l’information en démocratie ainsi que la légitimité et la confiance à accorder aux institutions médiatiques et politiques, la mise en discours du phénomène agit sur nos représentations du monde par la mobilisation d’une série de frontières problématiques entre vérité, opinion, représentation et connaissance, notamment. La thèse aborde ces enjeux par l’angle peu exploité du discours sur les fake news, c’est-à-dire qu’elle prend pour objet les pratiques langagières qui exploitent la locution au sein d’un corpus de grands quotidiens nationaux de l’espace franco-belge et interroge ainsi les parcours de sens que l’énonciation de la locution « fake news » travaille à faire valoir ou à discréditer.

L’analyse s’organise en deux volets. Le premier montre que la circulation discursive de « fake news » relève du régime formulaire et en vient à considérer que la locution est caractéristique d’une sous-catégorie de formule, dont les implications pragma-énonciatives sont étroitement liées au type de référent auquel celle-ci renvoie, à savoir une forme de réalité discursive. La formule « fake news » peut ainsi être interprétée comme un levier discursif permettant au discours journalistique de créer les conditions d’une énonciation visant sa propre légitimation. Le second volet réexamine cette proposition à l’aune d’études de cas ; il entend fournir une modélisation du champ d’action rhétorique du métadiscours de la formule. L’ethos lié aux modalités de l’hétérogénéité énonciative des textes, les procédés de sémiotisation d’une émotion, l’indignation, et la représentation figurale de la « viralité » des fake news sont les trois mécanismes principaux au travers desquels on examine la construction de la dimension argumentative du discours étudié. Au terme du parcours analytique, le travail vise à faire le point sur le cadre interlocutif installé par les textes du corpus ainsi que sur les registres d’évidence dans lesquels le destinataire est invité à s’inscrire, et ce dans l’objectif de questionner les présupposés idéologiques et l’appareil critique qui escortent habituellement le phénomène des « fake news ».


[1] En Belgique francophone à tout le moins, terrain qu’envisage le projet (cf. infra).

[2] Bullich reprend ici la notion élaborée par Mœglin, définissant l’industrialisation comme la « la conjonction d’un processus de “technicisation” (incorporation croissante d’outils/machines comme facteur de production), de “rationalisation” (définition d’un savoir opérationnel et mise en œuvre de procédures de comptabilisation et d’évaluation) et “d’idéologisation” (comme production d’un ensemble de représentations sociales accompagnant ce processus et adhésion des individus à celles-ci) » (ibid.).

[3] Nous utilisons le masculin générique par convention et à défaut de doublets, en raison des contraintes du canevas.

[4] Sans entrer ici dans les détails, on entendra la ressource au sens large comme un document utile à l’enseignant ou au formateur pour préparer ses cours et mettre à jour ses connaissances ; le support étant un document actualisé en situation d’enseignement ou de formation, au service d’une scénarisation pédagogique. Ainsi, le manuel sera tantôt une ressource dont se servira l’enseignant (p. ex. en photocopiant un extrait intégré dans un syllabus), tantôt un support (s’il est utilisé par tous les participants en situation de formation).

[5] À l’exception d’un fascicule de français sur la critique des médias (Erasme) et de deux fascicules (l’un paru chez De Boeck, l’autre chez Erasme) associés à l’UAA « Interactions médiatiques » en Formation sociale et économique — soit, des disciplines curriculaires spécifiques ; auxquelles s’ajoute un manuel paru en 2014 et à présent épuisé chez De Boeck.

[6] Ou CSEM, organe chapeautant les actions en EAM à l’échelle de la FW-B.

[7] En date du 13 juillet 2024, le SGNE nous a fourni, à des fins de mise à jour d’une étude exploratoire, l’extraction Excel de la base de données d’e-classe (https://www.e-classe.be/) identifiant de 650 ressources étiquetées avec le thème/mot-clé « Éducation aux médias », accompagnées de leurs métadonnées. Si nous privilégierons l’enquête directe sur le portail en affinant les critères suivant les focales retenues (collections spécifiques [voir le détail des modules de travail], niveau d’enseignement, types de ressources, etc.), ces données autorisent une vue tabulaire sur l’ensemble du corpus.

[8] https://demontages.phl-lab.uliege.be/.

[9] Par exemple, via notre implication dans le Certificat en Education aux Médias et à la Citoyenneté Numérique (ULB-ULiège-ULille), où une activité a porté l’an dernier sur l’analyse d’e-classe : voir https://didinfocom.hypotheses.org/2381.

[10] Ciblée prioritairement par le Plan de la FW-B pour l’EAM dans le tronc commun de l’enseignement (2022, 12), avec le cours de formation manuelle, technique, technologique et numérique (FMTTN) et le cours de philosophie et citoyenneté (CPC).

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